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Siguiri : une alternative à la ruée vers l’orpaillage (enjeux et défis)

Au cœur du Manding historique, la préfecture de Siguiri est connue pour sa richesse en or, dont l’extraction sous sa forme artisanale occupe aujourd’hui l’essentielle de la population active. La pratique de l’orpaillage remonte au moyen âge africain.

L’or du Bouré (Kintinian et ses environs) conféra aux chefs africains de grands empires médiévaux le titre de «Roi de l’or ». Kankou Moussa (1312-1337), le plus nanti, émerveilla l’Arabie et l’Egypte par sa richesse en or estimée à 400 milliards de dollars lors de son célèbre pèlerinage à la Mecque. L’or occupait à la fois une fonction économico-monétaire (thésaurisation, échange, payement), sociale (dote, cadeaux, prestige), cosmétique (parures des femmes) et une redoutable arme mystique  (Sanou kortai).

Son exploitation fût longtemps l’apanage des rois qui, disposaient d’une forte main-ouvre spécialisée (esclaves) pour son extraction. Le reste de la population se consacrait à l’agriculture (sennaikela), à l’élevage (wassolon foula) et au commerce (dioula).

Pendant la période coloniale, la recherche et la commercialisation du métal jaune connu un regain d’intérêts. Les Libanos-syriens ouvrirent des comptoirs d’achats d’or à Siguiri (le long de l’actuelle rue de l’église).

Ces dernières années, l’envolée du prix de l’or (25.000 GNF le gramme) et les effets néfastes du réchauffement climatique sur l’agriculture poussèrent des milliers de paysans vers les activités d’orpaillage beaucoup plus rémunératrices que l’agriculture vivrière. Des migrants venus des autres régions de la Guinée et des pays limitrophes provoquant une explosion démographique incontrôlée.  Des villages-campements « favélas » d’orpailleurs sont nichés sur toutes les terres du Bouré dans des conditions sanitaires et hygiéniques exécrables. Une ‘’société économique’’ codifiée et organisée par des acteurs locaux spécialisée : les Damantigui (propriétaire des mines), les Tomboloma (surveillants) et les Kaladjantigui (mineurs en profondeurs), libations, interdits  et autres rituels sacrificiels destinés à implorer les génies de l’or régissent ce ‘’grand monde jaune’’.

 Dans la même région, la SAG, société aurifère d’exploitation industrielle verse, selon le code minier de 2011, une Contribution au Développement Local (CDL) de 0,5 % de son chiffre d’affaires aux communautés locales. Pour la période 2016-2019, la CDL s’élève à 80 milliards GNF répartis entre les 13 collectivités locales suivant les critères géographiques, démographiques et de proximité des mines en exploitation.

Ces fonds servent à financer en grande partie des projets jeunes et femmes créateurs d’emplois et de richesse. Dans le district de  Falama à 25 km de la C.U de Siguiri, Bréma Traoré a réussi grâce  au financement de la CDL (FODEL) d’un montant de 41 millions  GNF à constituer une micro entreprise de production agricole sur une superficie de 10 ha.

En mettant en valeur 1 ha d’arachide, 3 ha de haricots, 2  ha de maïs, 0,822 ha d’oignons et dispose d’un tricycle pour le transport de matériels, de deux (2) bœufs pour la traction animale, un magasin de stockage en dur.

Cet investissement emploi à temps partiel 15 personnes et pourrait générer 24 millions GNF par an pour la seule culture d’oignons (ce qui le permet déjà en 2 ans de rembourser le prêt du FODEL).

Ce  modèle de réussite de l’entreprenariat agricole grâce aux financements du FODEL pourrait  encourager d’autres jeunes embourbés dans les mines d’or à entamer une reconversion professionnelle. Cela passe par un accompagnement soutenu en module de formation sur le processus de reconversion, d’alphabétisation et de soutien à l’éducation professionnelle (des modules qui peuvent  être inscrits dans les projets socio-éducatifs soutenus par le FODEL). Les collectivités locales doivent porter avec audace ce processus de changement de paradigmes socio-économiques grâce à des séances d’animations participatives et de concertations publiques avec les jeunes mineurs. Le comité technique local du FODEL (CAGF) offrira son appui technique, logistique et son expertise pour accompagner les collectivités dans la mise en œuvre de ce processus de reconversion socio-économique de milliers de jeunes englués dans les mines d’or mortifères (entre 50 et 100 morts par an).

A Kamagan, dans la C.R. de Kintinian la collectivité a mis en œuvre un projet de production agricole diversifiée sur une superficie de  200 ha. A cet effet, plus de 2000 rejets de bananes et 100.000 rejets d’ananas sont en cours de transplantation en association avec des cultures maraichères (oignon, aubergine, poivron, piments, pastèque, concombre).

L’objectif est de mettre en production des essences agricoles rares dans la localité, mais générateurs de revenus, d’emplois et de sécurité alimentaire. Un projet d’un dynamisme économique  évident qui mériterait, cependant, une réactualisation et une consolidation du dialogue avec les communautés riveraines au projet pour leur implication  effective dans la réussite à long terme du projet (mise en place d’un mécanisme de concertation régulière et d’enregistrement des doléances des communautés).

L’or est source de richesse fulgurante et onéreuse, mais les défis environnementaux, sociaux, démographiques, sanitaires et sécuritaires qu’elle pose, demandent un effort innovant pour promouvoir des secteurs alternatifs d’activités économiques plus porté vers le développement durable.

Barry Oumar, doctorant en Sciences Politiques à l’Université de LYON, chercheur sur les industries extractives

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