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Un ancien détenu de la maison centrale de Conakry se confie sous l’anonymat: « J’ai été arrêté le…»

Dans la nuit du 13 février 2022, un de nos reporters a échangé avec un ancien détenu de la maison centrale de Conakry. L’entretien s’est fait à la demande de l’interlocuteur. C’était pour raconter les faits qui l’ont conduit en prison et le calvaire vécu par la suite.

D’après lui, il avait été arrêté le 23 mars 2020 à Lambanyi qui est un quartier en haute banlieue de la capitale guinéenne, et libéré à la même date de l’année qui avait suivi. Agression à mains armées et coups de blessures volontaires sur un citoyen, telles étaient les accusations qui pesaient sur lui.

Il a contacté de gré notre média. Même si le fait d’avoir été en prison est une mauvais exemple, dit-il, l’interlocuteur estime que « c’est important de le partager avec les autres ». A l’en croire, ça « peut servir de leçon ».

« Mes amis et moi avons attaqué un individu en pleine nuit du 23 mars 2020. Nous l’avons croisé quelque part dans le quartier Lambanyi. Il portait un sac à dos et on a estimé qu’il y avait de l’argent de dedans. Alors nous nous sommes jetés sur lui. Nous l’avons violenté et blessé à coups de couteau. Ensuite nous avons pris la fuite avec son sac à dos. Dedans, il y avait 17 millions de francs guinéens. La même nuit, nous nous sommes retrouvés au terrain de foot qui se trouve entre les carrefours Canadien et cimetière de Lambanyi. Là, nous avons partagé l’argent et chacun a eu sa part », raconte notre interlocuteur.

L’ex prisonnier était le chef du groupe qui a mené l’attaque. En tout cas c’est ce qu’il a dit à notre reporter. Pour ce qui est de savoir comment il avait été arrêté, il a laissé entendre : « Quand on a fini de partager l’argent, on s’est séparé et chacun est allé de son côté. Personnellement, je n’étais pas directement rentré chez moi. Je m’étais plutôt rendu dans un autre coin pour me souler de plus la gueule. J’étais blessé mais je ne savais pas car j’étais encore sous l’effet de la drogue. Je n’étais pas normal. Jusqu’à présent je ne sais pas comment cette blessure m’était survenue. Mais je pense que c’était au moment de la bagarre avec la personne qu’on avait attaquée. Je me souviens qu’à un moment le monsieur m’avait coincé autour de ses bras en criant au secours. Il a fallu que je lui perce les bras à plusieurs coups de couteau pour qu’il me lâche. Sûrement c’est à ce moment-là que je me suis blessé accidentellement.
A l’autre endroit où je venais d’arriver, je me suis mis à droguer encore. En même temps je saignais mais je ne le savais pas. Un de mes grands a vu ma blessure et m’a demandé d’aller immédiatement dans une clinique. Constatant que je ne prêtais pas attention à ce qu’il disait, il m’a pris de force et m’a déposé dans une clinique située non loin des raisons de la route Cité enco5-Lambanyi. Mais le médecin trouvé sur place a dit qu’il ne pouvait pas traiter ma plaie. Il nous a indiqué une autre clinique. Nous y sommes allés. Malheureusement pour moi, l’individu qu’on avait attaqué y était aussi en train de se faire soigner. Dès qu’il m’a vu, il m’a reconnu. Quelques membres de sa famille étaient à ses côtés. Ils ont vite appelé des éléments de la BAC (brigade anti-criminelle). Le temps pour moi de comprendre, le pick-up était déjà à la porte de la clinique. J’ai tenté de fuir mais en vain. Des agents m’ont braqué leurs fusils en menaçant de tirer si je ne m’arrêtais pas. Mais je n’ai pas obéi. J’ai plutôt continué à courir. Mais c’était impossible pour moi de fuir car j’étais coincé de toutes parts. Finalement j’ai été arrêté et embarqué dans le pick-up y compris le grand qui me tenait compagnie pour mes soins ».

Le jeune de 25 ans a été déféré à la maison centrale de Conakry deux jours après son arrestation. Une semaine plus tard, son procès a commencé au tribunal de première instance de Dixinn.

« Je n’ai jamais reconnu les faits pour lesquels j’avais été arrêté. J’avais dit que c’était pas moi l’agresseur, que moi même j’étais une victime d’un autre groupe de délinquants. Comme j’étais blessé, j’ai dit que je revenais d’une soirée dansante, et une fois au carrefour canadien, je suis tombé sur des délinquants et ces derniers m’ont poignardé. Cette version, je ne l’ai pas changée malgré toute la torture qui m’avait été infligée pour que j’avoue le crime commis. Finalement j’avais été condamné à un an de prison ferme », poursuit l’ancien détenu.

A l’intérieur de la maison centrale de Conakry, révèle-t-il, c’est un calvaire total. « A la sûreté, même la simple nourriture qu’on donne aux prisonniers peut tuer. Plus on la bouffe, plus on a son ventre qui se gonfle. Ce ballonnement peut continuer jusqu’à se terminer par la mort. Pendant mes premiers jours sur place, je mangeais cette nourriture. Mais par la suite j’ai arrêté. Comme je faisais de business et que ça me rapportait un peu d’argent, des gardes m’achetaient du manger à l’extérieur de la prison. Mais je les payais au préalable pour ça. C’est-à-dire pour qu’un garde accepte d’aller acheter du manger pour un prisonnier, il va falloir lui donner quelques billets de banque. Une nuit, quelqu’un est mort dans ma cellule mais je ne l’ai su que le matin. A un moment de la nuit je l’ai cogné parce que son pied s’est retrouvé sur moi. Le matin, quand j’ai su qu’il est mort, j’ai regretté mon coup de pied sur lui pendant la nuit. A la sûreté, la mort est quotidienne. Il ne se passe presque pas tout un jour sans qu’on ne sorte des cadavres des cellules. Il y a des gens à la sûreté qui ont fait plus de 20 ans. J’en ai de mes propres yeux. Même Toumba je le voyais de temps à autre. J’ai été libéré le 23 mars 2021, soit un an juste après », dit le jeune.

Pour terminer, l’interlocuteur assure qu’il est redevenu un « bon citoyen ». Ce qui sous-entend que sa vie d’agresseur à mains armées n’est plus qu’un souvenir.

Oury Maci Bah pour Voxmeteore.info

628533966/ourynombobah@gmail.com

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