« Personne ne l’avait vu venir ! », jure un travailleur de l’ex-BICIGUI. Amadou Oury Bah a été nommé Premier ministre, le mardi 27 février 2024 par le général de Corps d’Armée, Mamadi Doumbouya en remplacement de Bernard Gomou, démis de ses fonctions le 19 février dernier. Neuf jours de suspense, pendant lesquels plusieurs noms ont circulé. Bernard Gomou serait-il reconduit ? Serait-il remplacé par Charles Wright ou par l’ancien ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, Yéro Baldé ou par l’ancien ministre Abdoul Kabèlè ? « C’est une grosse surprise », reconnaît un proche du pouvoir.
A 65 ans, Bah Oury n’a rien d’un inconnu. De 1992 à 1999, il était vice-président de l’UFD. A la mort du président de l’UFD, Pr Alfa Sow, le jeune leader Bah Oury décidera d’aller créer sa propre formation politique qui s’appellera UFDG. Mais pour une raison stratégique de renforcement de son parti afin de peser dans le paysage politique, il accueillera, contre toute attente, l’un des mastodontes politiques guinéens de l’époque, Bâ Mamadou à qui il cédera la présidence de l’UFDG pour se contenter du poste de vice-président. Une politique d’ouverture du parti qui se renforcera avec Bâ Mamadou qui, à son tour, recrutera dans l’écurie UFDG, Cellou Dalein Diallo, l’ancien Premier ministre de feu général Lansana Conté. Avec le poids de l’âge, Bâ Mamadou proposera la présidence du parti à sa nouvelle recrue, Cellou Dalein. Malgré quelque réticence de sa part, le fondateur de l’UFDG finira par accepter la proposition et gardera son poste de Vice-président, chargé de la Communication et des Relations Extérieures. Avant d’être exclu avec fracas du parti dont il est le géniteur en 2016.
Il a gardé de cette bataille âpre un lien fort avec les autres opposants au régime d’Alpha Condé. Lorsque ce dernier fut renversé le 5 septembre 2021, Bah Oury conserve la ligne avec des interventions aux tons que beaucoup d’observateurs jugent ‘’plus sages’’ dans les médias vis-à-vis des nouveaux maîtres du pays.
Ses rapports avec l’UFDG n’en demeurent pas moins tendus, d’où la description en apparence contradictoire que fait un cadre de l’administration proche du général Mamadi Doumbouya, en homme à la fois « tranchant, tenace, surdoué et loyal ». Des qualités qui lui ont d’ailleurs permis de prendre la tête du ministère de la Réconciliation sous le Premier ministre d’alors Ahmed Tidiane Souaré. La Maturité aidant avec sa longue expérience politique, Bah Oury se montre, de plus en plus, apaisant et partisan acharné du dialogue comme seul moyen de résoudre les crises en Guinée. Sa nomination apparaît donc comme une prime à la sagesse.
Economiste de formation, Bah Oury est aussi un banquier. Il fut le directeur des Ressources Humaines et de la Formation de l’ex-BICIGUI, l’une des premières banques privées post régime Sékou Touré. Un profil en accord avec la feuille de route fixée par le général Mamady Doumbouya à son précédent gouvernement. A savoir la bonne gouvernance, la gestion vertueuse de la chose publique.
Originaire du Fouta, né à Kigna dans Pita, Bah Oury permet enfin de rééquilibrer le sommet de l’Etat, alors que les différents Premiers ministres qu’ont connus le pays ces quinze dernières années sont de la Guinée Forestière et la Basse-Guinée
Selon plusieurs sources, c’est à plusieurs dignitaires religieux que le général Mamadi Doumbouya a confié le soin de lui suggérer le nom du nouveau Premier ministre. Décision a ainsi été prise d’écarter le sortant et son ministre de la Justice qui entretenaient des relations très tendues et difficiles.
Alors que le pays est en proie aux revendications des syndicats et paralysé, Bah Oury incarne un choix technique plus que politique. Le nouveau Premier ministre, qui doit démissionner de son poste de leader de parti, devra proposer « dans les meilleurs délais » la composition de son futur gouvernement. Un gouvernement de technocrates, prédisent les observateurs, conçu pour administrer le pays.
Guineenews