Une fois n’est pas coutume, le président Alpha Condé a mis à profit le point qu’il a fait hier sur l’évolution de la pandémie du nouveau coronavirus pour se prononcer sur la répression, le 12 mai dernier, des manifestations à Coyah, Dubréka et Kamsar. Mais il n’est pas sûr que son intervention confrère à ces « événements malheureux » un sort différent de celui réservé aux précédents cas, à savoir l’oubli et l’indifférence. Parce qu’aussi bien dans la forme que dans le fond, on n’a pas senti chez le chef de l’Etat une quelconque envie d’en finir avec la série tragique. Il semble s’être juste soumis aux exigences de la pression du moment.
« Nous avons été malheureusement endeuillés par des pertes en vies humaines, le 12 mai dernier à Coyah, Dubréka et Kamsar ». C’est ainsi que le président de la République a abordé le court chapitre de son allocution réservé à des manifestations dont la répression par les forces de défense et de sécurité a débouché sur 7 morts, le 12 mai 2020. Mais dans sa voix et sa posture, ni gravité, ni compassion. Mais le plus incompréhensible, c’est quand le président Alpha Condé dit : « ces évènements douloureux posent une fois de plus la question de la violence lors des mouvements sociaux et politiques dans notre pays ».
Non, ce n’est pas que de cette façon seulement au’il faut envisager les choses. Certes, la nature violente des mouvements sociaux et politiques est un problème. Mais Monsieur le président, il n’y a pas que cela et ce n’est peut-être même pas le plus préoccupant aujourd’hui. Il y a aussi et surtout la question de la gestion des manifestations par les forces de défense et de sécurité. Après tout, la Guinée n’est pas le seul pays au monde où les mouvements de foule débordent. Mais la tendance du policier, du gendarme et du militaire guinéens à tirer pour tuer se démarque singulièrement. Et pour soigner ce mal-là, il faut plus qu’une invite lapidaire à la justice à se bouger. D’autant qu’en attendant les hypothétiques enquêtes, même pas une mesure de suspension provisoire n’a été prononcée contre un seul agent.
Il faut intimement vouloir en finir avec cette sinistre singularité qui n’honore pas du tout notre pays. Ce qui implique que vous posiez des actes concrets et non plus vous en tenir aux incantations. Malheureusement, ce n’est manifestement pas encore le cas de votre part. Car en définitive, dans les événements de Coyah, Dubréka et Kamsar, vous persistez à vous convaincre que le problème, c’est la mobilisation des populations contre les mesures restrictives. Ainsi, vous dites en appeler à la « discipline et à l’esprit civique de tous les citoyens. Chacun doit comprendre que les restrictions d’aujourd’hui sont dictées par les exigences de santé publique. Nous devons les accepter et les respecter pour vaincre la pandémie et permettre une sortie rapide de cette crise ».
Partie d’un mauvais diagnostic, votre prescription est forcément inadéquate. Le problème n’est pas que les gens aient manifesté. Vous devez d’ailleurs savoir que c’est là un droit universel. Le problème donc c’est d’abord le choix d’ériger les barrages respectivement à Friguiadi et à Kenindé. Des emplacements inadaptés tels que vous l’avez, vous-même, implicitement reconnu dans votre adresse de ce 15 mai, en évoquant le Grand Conakry. Le problème, ensuite, c’est le racket et autres manœuvres d’extorsions de fonds dont les citoyens étaient de plus en plus victimes au niveau de ces barrages. Enfin, le problème, c’est l’incapacité manifeste de nos forces de l’ordre et de nos militaires à gérer des manifestations, sans que cela ne débouche sur des pertes en vies humaines.
Monsieur le président, soignez ces maux avec entre autres le remède de la sanction, et la prochaine fois, vous n’aurez probablement pas à présenter des condoléances.
Boubacar Sanso BARRY / LeDjely