Manifestation de journalistes à Conakry, image d’archive
CONAKRY-En Guinée, le ton monte d’un cran à la veille du vote par l’Assemblée Nationale d’une Loi controversée sur la Haute Autorité de la Communication (HAC), l’institution chargée de réguler les médias. La réforme de la Loi L003 sur la HAC en examen au parlement guinéen ne convient pas les hommes de medias qui parlent d’un recul sans précédent. Certaines associations de presse menacent de boycotter l’institution.
Plusieurs associations de presse ont réagi par rapport au projet de loi sur la Haute Autorité de la Communication. Interrogés par Africaguinee.com, les responsables desdites associations de presse ont tous rejeté ce projet de loi en étude actuellement à l’Assemblée Nationale pour adoption. Dans l’ancienne Loi portant Composition, Organisation et Fonctionnement de la Haute Autorité de la Communication en République de Guinée, la presse avait le plus grand nombre des représentants à savoir cinq. Mais dans ce nouveau projet, la presse n’aura que deux représentants d’où la frustration et l’inquiétude des hommes de média en Guinée.
Tous les Président des associations de presse que nous interrogé sur ce sujet ont contesté l’idée de deux représentants au sein de cette organisation qui est chargée réguler la presse en Guinée. Certains même n’excluent pas l’idée de boycotter la HAC si les législateurs diminuaient le nombre de cinq représentants de la presse.
Caisse de résonnance
Aboubacar Azoka Bah est le Président du Réseau des Médias sur Internet en Guinée(REMIGUI). Pour lui, toutes les associations de presse doivent combattre ce projet de Loi parce que soutient-il si ce projet passe comme tel, la Guinée aura une HAC complètement acquise à l’exécutif et qui pourra exécuter tous les ordres non seulement de l’exécutif mais aussi du législatif.
« Nous remarquons déjà qu’il y a une volonté de faire de la Haute Autorité de la Communication comme une caisse de résonnance. Parce que si le Président de la République nomme trois (3) personnes et c’est lui cette fois-ci qui désigné le Président de la Haute Autorité de la Communication au lieu qu’il ne soit élu comme par le passé. Ça montre qu’on aura une présidence de la HAC complétement acquise à l’exécutif et qui pourra exécuter tous les ordres que l’exécutif ou le législatif donneraient à cette Haute Autorité de la Communication. Je pense que c’est une Loi qui n’est pas du tout normal. C’est une Loi que toutes les associations de presse doivent combattre. La Haute Autorité de la Communication c’est une chose des médias, de la presse, ce n’est pas une chose des politiques. Les politiques ne doivent pas venir à la Haute Autorité de la Communication pour essayer de gérer les médias parce que la HAC, c’est l’organe qui régule les médias, c’est l’organe qui fait en sorte qu’aucune instance politique, sociale, religieuse ne met un monopole sur les médias. C’est la HAC qui partage les temps d’antenne en période électorale entre les différents candidats aux élections maintenant si cette HAC n’est pas indépendante, si elle n’est pas pilotée par une personne indépendante, elle ne pourra pas jouer son rôle et dans un contexte où le régime a bâillonné et cherche toujours à bâillonner la liberté de la presse, si on a un Président de la HAC qui est nommé par le Président de la République je pense que ce sera encore le pire pour la liberté de la presse en Guinée », s’inquiète le Président du REMIGUI (réseau des medias sur internet en Guinée).
Boycotter la Hac
Aboubacar Azoka Bah invite toutes les associations de presse de boycotter la HAC si on diminue les cinq représentants. « Je demande à ce que toutes les associations de presse se retrouvent pour qu’elles prennent des dispositions pour qu’on maintienne nos cinq (5) représentants. Et si on ne maintient pas nos cinq (5) représentants de presse et bien, que la presse dans son ensemble refuse d’envoyer des représentants au niveau de la Haute Autorité de la Communication et que la presse essaye, entre les différentes organisations professionnelles de mettre en place une instance qui va réguler un peu la presse. On peut par exemple réveiller l’Observatoire Guinéenne d’Ethique et de la Déontologie des Médias, une instance que nous devons nous reconnaitre. Mais une HAC où on n’a que deux (2) représentants je pense que seront là-bas que pour figurer et moi je suis contre cette nouvelle Loi sur la HAC. Moi je proposerai à ce que le Réseau des Médias sur Internet en Guinée REMIGUI se désolidarise complétement de la nouvelle HAC si on maintient deux (2) représentants pour les médias. D’ailleurs on demandera à tous les médias de ne pas envoyer des représentants. Donc si le gouvernement, l’assemblée ne maintiennent pas nos propositions nous nous n’allons pas partir au sein d’une Haute Autorité de la communication où on ne fera que nous dicter des choses contre nous », a averti Aboubacar Azoka Bah.
Du côté de l’Association guinéenne des éditeurs de la presse indépendante (AGEPI), c’est le même ton. Le premier responsable de cette association a affirmé qu’il a entamé des démarches pour régler la situation à l’amiable. Alpha Abdoulaye Diallo a également ajouté qu’il n’y a pas raison de s’alarmer parce que d’après lui, la liberté de la presse en Guinée et le droit de désigner ses représentants au sein de la HAC ne seront jamais piétinées ni écorchées par la nouvelle Loi.
« Nous avons appris l’existence de cet avant-projet au niveau de l’AGEPI bien avant que ça ne fuite à la presse. En tant qu’association nous avons fait ce qui se devait, de concert avec les autres associations on a mené les démarches qu’il fallait mais nous estimons qu’il n’y a pas à s’alarmer. Il ne faut pas céder ni à la rumeur ni aux peaux de banane qui sont lancées souvent sous les pieds de la presse, il faut aller de façon responsable et faire en sorte que par exemple lorsqu’on reçoit un document comme celui qu’on a vu, que vous puissiez vérifier l’authenticité de ce document. Donc d’après ce qui nous a été montré et dit les associations de presse tout comme les institutions régulatrices seront toutes contactées et donc il n’y a pas de péril en la demeure, nous ne devons pas céder au désespoir sur la liberté de la presse. Tout comme le droit des associations de presse de Guinée de désigner leurs représentants au sein de la HAC ne sera pas du tout écossé ni piétiné par la nouvelle Loi », a affirmé Alpha Abdoulaye Diallo.
Le président de l’AGEPI rappelle que tous les acquis que la presse guinéenne bénéficie aujourd’hui est le fruit de son combat mené au temps du régime militaire.
Inadmissible et impensable
« Nous ne pensons pas et nous ne croyons pas que le nouveau législateur va se permettre réduire le nombre des représentants de la presse à la HAC qui est déjà un acquis en matière de représentativité de la presse dans les institutions en République de Guinée. On ne peut pas imaginer seul instant le régime d’Alpha Condé qui est aussi un fruit de la démocratie, un fruit de la liberté d’expression et de la liberté d’opinion puisse réduire le nombre des représentants de la presse au sein de l’institution qui est en charge de la régulation de l’information et de la communication en Guinée. C’est impensable, inadmissible et nous ne pouvons même pas l’admettre. Nous estimons chez nous qu’ils ne peuvent pas le faire, ils n’ont pas le droit de le faire d’ailleurs ils ne le feront même pas », espère Alpha Abdoulaye Diallo.
Pour sa part, le Président de l’Union des Radios et Télévisions Libres de Guinée (URTELGUI) a indiqué qu’il a déjà engagé des plaidoyers au niveau de l’Assemblée Nationale qui, selon lui, semble maintenant porter des fruits.
« En commun accord avec les autres associations de presse nous avons fait un plaidoyer à l’Assemblée Nationale il y a trois semaines pour dire qu’on n’était pas d’accord à défaut d’augmenter on ne va pas diminuer. Je crois bien que nous avons été entendus. La semaine dernière on a encore appris qu’au lieu de cinq places on allait avoir quatre places mais selon certaines sources que les cinq places seront maintenues. Parce qu’on a fermement dit qu’on n’accepterait pas du tout les deux places », a aussi expliqué Sanou Kerfala Cissé avant de soulever un autre problème.
« Maintenant nous, en ce qui nous concerne fondamentalement c’est la Loi sur la liberté de la presse. Parce que nous faisons de l’amalgame, c’est la Loi L002 qui encadre notre métier. Une fois encore c’est la Loi L002 qui constitue notre problème », a-t-il soulevé, alors que la Loi controversée sur la Hac devrait être votée cette semaine par les députés.
AfricaGuinee.com