Le très populaire rappeur Black M sort un nouvel album, extrêmement attendu et intitulé Il était une fois… Revue de détail.
Dès le prologue Bon, disponible sur les réseaux depuis début juin, le ton est donné : sur une production de MKL, Black M s’éloigne de l’image tous publics de son précédent projet pour revendiquer son talent microphonique, multipliant les acrobaties stylistiques et les punchlines acérées (“Je suis un gilet jaune avec des billets mauves”).
Après avoir songé à sortir un disque concept avec des featurings d’artistes africains, puis envisagé un double album urbain/afro, c’est donc un album simple mais fort de 16 titres (17 avec le remix de Bon featuring Daks Le Vrai) que propose le numéro 2 de la Sexion D’Assaut.
Dès Beau-frère, on retrouve le ton du hit Madame Pavoshko, un tempo rapide, un thème fun et léger (l’introduction d’un beau-frère qui se fait gentiment chambrer par le frère de la future mariée), mais cette fois avec une couleur afro dans l’instrumentation et le refrain chanté.
Le reste de l’album est d’un autre tonneau. Black M se cale sur un rythme à trois temps pour Ainsi valse la vie, aux arrangements orchestraux un peu kitch, et entrouvre la porte de sa vie privée en mettant en scène sa femme dans Léa, tempo trap saccadé où il se présente sous son vrai prénom (Alpha) et évoque son fils Mowgli.
Sale journée est un renvoi d’ascenseur avec les collègues toulousains Bigflo & Oli, qui avaient invité Black M sur leur morceau C’est que du rap. Un titre léger et frais, l’occasion de revenir sur l’envie insistante des fans de revoir son groupe Sexion D’Assaut (“Quand je sors de chez moi, toujours la même question : ‘Black M, c’est quand le retour de la Sexion ?'”). Même si Lefa, Maska, J. R. O Crom, Barak Adama et Dawala (le boss du label Wati B) font une apparition dans le clip de Bon, il semble que la patience soit au menu pour les fans du collectif, Gims étant parti voir ailleurs.
On sort complètement du registre comique avec Lucien, rap narratif où Black M assume le rôle d’un lycéen harcelé par d’autres élèves qui finit par envisager le suicide (“Décidément je ne sers à rien (…) Au fond ils ont raison, ma vie est inutile/ Quand le scénario est trop pourri, autant arrêter le film/ Je vais finir leur travail, ouais en finir pour de bon/ Je ne vais manquer à personne, et mes parents m’oublieront”). Temps fort de l’album, ce titre sobre rappelle que le rap français peut toujours être le moteur d’une réflexion sur les problèmes de la société et pas uniquement une machine à danser et à engranger les millions de streams. Reggae light, Monsieur l’agent évoque les violences policières avec au refrain Naylinz, la jeune révélation de The Voice Kids, chanteuse balgentienne de 17 ans d’origine malgache remarquée par Dadju, qui avait sorti un duo avec elle.
Rythmique disco pour Dans mon délirefeaturing Heuss L’Enfoiré & Soolking, ambiance plus dépouillée pour Autour de moi qui invite la valeur montante Koba LaD et Niro, la diversité est le maître mot de cet album qui se veut être une renaissance. “J’ai un tas de followers et très peu d’amis”, balance Alpha dans Like, qui porte un regard critique sur l’obsession de la notoriété digitale.
Ballade acoustique et émotionnelle, Maman j’arrive joue la carte lacrymale et s’adresse aux enfants malades tandis que Le Pervers narcissique s’attaque aux hommes manipulateurs et au mal qu’ils font aux femmes. Beaucoup de sujets lourds, donc, pour ce troisième album qui en surprendra plus d’un, et dont on ne sait s’il sera accueilli favorablement par ceux qui attendaient un nouveau Sur ma route, son plus gros tube. Au moins devra-t-on reconnaître une vraie prise de risques de la part de cet artiste plutôt catalogué festif.
RFI