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L’Afrique au cœur de la compétition entre les puissances

Des milliers de manifestants anti-sanctions se rassemblent pour soutenir les soldats putschistes dans la capitale Niamey, au Niger, le 3 août 2023. | REUTERS

Pour prendre la juste mesure de la crise qui secoue actuellement le Niger, il convient de la replacer dans son contexte historique à long terme. Le point de vue de Dominique Moïsi, conseiller spécial auprès de l’Institut Montaigne.

Pour prendre la juste mesure de la crise qui secoue actuellement le Niger, il convient de la replacer dans son contexte historique à long terme.

À la fin du XIXe, l’Afrique était un objet de rivalité entre les puissances européennes. Au lendemain de sa défaite dans la guerre franco-prussienne (1870-1871), la France regardait vers le continent africain, les yeux tournés vers l’Europe. Il s’agissait pour elle de rééquilibrer, grâce à son Empire, la supériorité de l’Allemagne en Europe. Dans cette ambition, elle se heurta à la Grande-Bretagne en 1898 lors de l’incident diplomatique dit de la crise de Fachoda.

Pendant la guerre froide (1947-1989), l’Afrique, en pleine phase de décolonisation, devint à nouveau un « objet » privilégié de la compétition entre les deux blocs. Avec la fin de la guerre froide, le continent africain cessa, très provisoirement, de susciter les convoitises des grandes puissances. La menace soviétique ayant disparu, pourquoi s’intéresser encore à elle ?

Un enjeu privilégié de la compétition entre les puissances

L’Afrique est redevenue aujourd’hui un enjeu privilégié de la compétition entre les puissances. Avec opportunisme, la Russie s’y est installée, en particulier par le biais de sa milice Wagner. Elle possède des atouts certains. Elle n’a pas de passé colonial en Afrique. Elle ne pose pas de conditions à son aide. La démocratie et les droits de l’homme ne sont pas ses priorités. Elle surfe avec un certain succès sur un sentiment anti-français, qu’elle n’a pas créé, mais définitivement encouragé. Tout se passe, comme si, à sa manière, elle souhaitait compenser ses échecs sur le front ukrainien, par ses progrès sur le front africain.

Mais il existe d’autres acteurs clés qui profitent de l’immensité, de la vulnérabilité, mais aussi de l’attractivité en termes de ressources du continent africain. Au premier rang desquels, les mouvements islamistes fondamentalistes et leurs antennes africaines locales, comme le mouvement Boko Haram au Nigeria. Militairement défaits au Moyen-Orient, les mouvements terroristes islamistes ont déplacé leur champ d’action – il serait plus juste de parler de champ de destruction – vers l’Afrique et tout particulièrement vers le Sahel.

Paris et Washington sur des positions différentes

L’enjeu du Niger (après les coups d’État militaires déjà intervenus au Mali et au Burkina Faso) est important. Au point que l’Amérique, qui possède une base dans ce pays, semble considérer qu’elle ne peut laisser à la seule France la responsabilité de trouver une solution. Ce n’est pas la première fois que Paris et Washington sont sur des positions différentes sur le continent africain. La priorité de Paris est de rétablir, grâce à l’intervention armée s’il le faut des pays de la Cedeao (Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest), le régime démocratiquement élu du président Mohamed Bazoum. Celle de Washington est peut-être autre et pourrait passer par un compromis avec les militaires putschistes, pour éviter que ces derniers ne passent dans le « camp russe ». Les Chinois, toujours plus présents économiquement sur le continent, contemplent avec une certaine hauteur ces péripéties, pensant peut-être que, quoi qu’il arrive, l’avenir leur appartient.

Reste une question douloureuse pour nous Français. Pourquoi des élites militaires africaines formées, entraînées par nous, se sont-elles, de facto, retournées contre nous, du Mali au Niger ? Se sont-elles senties humiliées par nous, sans même que nous en prenions conscience ? Comment sauver un peuple, sans l’impliquer au plus haut niveau dans les décisions qui le concernent ? L’Afrique mérite mieux que d’être un simple enjeu de pouvoir entre les puissants du jour.

Par OuestFrance

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