Entre Conakry et Paris, le courant ne passe plus ! Même si c’est encore trop de parler de possible « rupture des relations diplomatiques », il faut dire d’emblée que le langage devient de plus en plus belliqueux entre les deux pays. Au centre de ce bras de fer, il y a le référendum pour le changement de la constitution dont les résultats publiés vendredi donnent une large victoire du « OUI » (91.59%). Mais comment en est-on arrivé là ?
Alpha Condé a donné le ton fin mars 2017 à Abidjan lors d’une conférence sur l’émergence en Afrique, appelant à « couper le cordon ombilical » avec la France l’ancienne puissance colonisatrice, qui dispose d’immenses intérêts en Afrique. Une déclaration très osée qui a eu des échos « réprobateurs » dans l’establishment français. Cet appel à la « rébellion » est d’autant surprenant qu’il venait de quelqu’un qui a passé plus de la moitié de sa vie en France où il est arrivé alors qu’il n’avait que 15 ans et qui a eu tout le soutien de Paris pour accéder au pouvoir en 2010, sur le fil du rasoir. Depuis beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Le dirigeant guinéen et son camp se sont davantage braqués contre Paris ces derniers mois lorsqu’il a officialisé son projet de référendum constitutionnel, en dépit des monstrueuses manifestations et des morts dans le pays contre le projet. Face à ces atrocités, la France a pris ses distances vis-à-vis d’Alpha Condé. Pour Paris, le projet controversé de la réforme constitutionnelle n’était pas forcement partagé par l’écrasante majorité de la population. Une ingérence jugée intolérable, par les autorités guinéennes, déterminées à aller jusqu’au bout, quitte à fâcher les détracteurs. La réplique de Conakry ne s’est pas faite attendre qui a vite brandi l’argument de la souveraineté de chaque pays d’interroger son peuple.
La provoc de trop
C’est dans ce contexte de bras de fer diplomatique que se sont tenues le 22 mars dernier, les consultations législatives et référendaires, ternies par une escalade de violences meurtrières. Pour Paris, il ne s’agit ni plus ni moins qu’un simulacre d’élections qui ne saurait être cautionnée. « Le caractère non inclusif de ces élections et non consensuel du fichier électoral, ainsi que le rôle joué par des éléments des forces de sécurité et de défense excédant la simple sécurisation du processus, n’ont pas permis la tenue d’élections crédibles et dont le résultat puisse être consensuel », a indiqué le Quai d’Orsay. Cette réaction ferme a provoqué l’ire des autorités guinéennes. L’ambassadeur de la France a été convoqué par Mamadi Touré, le chef de la diplomatie guinéenne, qui trouve cette réaction de Paris « biaisée », « irrespectueuse » et dénuée d’impartialité. Chose qui était jusque-là inimaginable.
Faut-il craindre l’escalade ?
« Nous ne sommes pas en guerre avec qui que ce soit mais nous tenons à ce qu’on respecte le peuple de Guinée. Nous ne demandons pas à ce qu’on nous aime, mais plutôt qu’on nous respecte. Je pense que cette exigence de respect est dans l’ADN de tous les guinéens », tranche Mamadi Touré. Dans les rangs du parti au pouvoir, on estime qu’il est temps de se départir de cet esprit du néo-colonisé.
Se départir de cet esprit du néo-colonisé…
« Pourquoi vous croyez que la France a plus de droit de regard sur les affaires de la Guinée que la Chine et la Russie qui ont d’ailleurs plus d’investissement en Guinée ? Il faut qu’on arrête de continuer d’avoir cet esprit du néo-colonisé. Nous sommes indépendants depuis 61 ans, on n’a jamais posé la question aux guinéens, du comment les élections se passent aux Etats-Unis ou en France ou dans n’importe quel pays de l’Union Européenne. Il faut que l’on commence plutôt à respecter la souveraineté des uns et des autres. Les relations internationales sont basées sur le respect de la souveraineté des uns et des autres (…) Les relations entre nous et la France ne sont pas des relations de supérieur à subordonné ou des relations de protecteur ou de protectorat aux indigènes », tranche un haut responsable du RPG arc-en-ciel.
Même si pour l’heure tous les efforts sont concentrés sur la lutte contre Covid-19 qui fait des ravages dans le monde, et qui, dans une certaine mesure semble être un allié d’Alpha Condé, beaucoup s’interrogent sur jusqu’où ira ce bras de fer entre Paris et Conakry.
Affaire à suivre…
Diallo Boubacar 1
Pour Africaguinee.com