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Guinée/Enquête : Comment opèrent les coupeurs de route ?

CONAKRY-Circuler sur les différents axes routiers guinéens est devenu un véritable casse-tête. Outre la dégradation très poussée des voiries, des bandits armés « coupeurs de route » règnent en maitre. Ils attaquent les véhicules de transport inter urbain, notamment les taxis et les minibus. Le phénomène est récurent sur la route nationale numéro 1.

Ces hors la loi agissent le plus souvent en groupe de trois et plus. Ils sont bien organisés. Certains utilisent des motos, d’autres des véhicules. Les moins nantis érigent des barrages. Tous les moyens sont bons pour arriver à leur sale besogne. Ils sont munis d’armes de guerres et opèrent souvent pendant la nuit à partir de 00h jusqu’à 5h du matin, d’après le témoignage de certaines victimes.

Exaspérés par le phénomène d’insécurité lié aux coupeurs routes, certains chauffeurs de taxi sur la nationale Conakry-Mamou et Labé ne veulent plus aborder la question à visage découvert. Soit par crainte d’être pris pour cibles, ou par l’indifférence des autorités face à leur complainte. Ils disent avoir tellement interpellé les autorités, mais celles-ci ne bougent pas le petit doigt. A plus forte raison prendre des dispositions nécessaires pour mettre hors d’état de nuire ces bandits. Les victimes de ce phénomène sont innombrables. Il y a quelques semaines, un fonctionnaire à la retraite a été tué par des coupeurs de route à Foulaya, à la sortie de la ville de Kindia. Nous avons rencontré certains chauffeurs pour nous raconter leur calvaire.

Maître Aguibou, chauffeur de profession roule sur le tronçon Conakry-Labé, Conakry-Dinguiraye et Dabola.  Selon lui, sur le trajet, les zones critiques se trouvent entre Dalaba-Mamou et Kindia, mais aussi et surtout le tronçon Coyah et l’université de Foulaya.

Habillés en treillis militaires

 « L’endroit le plus dangereux où on nous attaque le plus fréquemment c’est entre Dalaba-Mamou, Mamou-Kindia et enfin Kindia et Débélé, précisément entre Coyah et l’université de Foulaya. C’est à cet endroit qu’on nous attaque le plus souvent. Les coupeurs de route sont souvent habillés en uniforme militaire avec des armes automatiques. Des fois, on trouve des agents des services stationnés à quelques endroits, on leur explique qu’on a été victimes d’attaques de la part des coupeurs de route, ils nous répondent qu’eux aussi ils ont peur de se faire attaquer comme nous. Où parfois certains nous disent qu’ils n’ont pas l’autorisation d’allumer leurs véhicules et aller secourir les personnes attaquées”, explique ce chauffeur

Maitre Aguibou confie qu’il a fait l’amère expérience. Il raconte : “Personnellement j’ai été victime d’attaque au niveau de la colline de Yombokouré, c’est entre Kindia et la sous-préfecture de Linsan. Et lorsque nous sommes arrivés à Linsan au niveau de la Gendarmerie, nous leur avons fait cas de l’attaque dont on a été victime, la seule réponse que les gendarmes ont eu à nous dire, c’est qu’ils n’ont pas de carburant dans leurs véhicules. Et que si on peut cotiser le prix du carburant afin qu’ils interviennent ? Je leur ai répondu qui si l’Etat ne leur a pas donné les moyens pour carburer leurs engins pour faire leur devoir, il ne revient pas à nous les victimes de leur donner ces moyens-là afin qu’ils nous viennent au secours. Il y en a parmi eux (services de sécurités ndlr), dès que tu leur dis que tu as été victime d’attaques, la première question qu’ils te posent, c’est : combien des millions les bandits ont retiré avec toi ? Ou qu’est-ce qu’ils ont emporté ? Nous aussi on rétorque qu’on ne sait pas, parce qu’ils ont des véhicules pour assurer la sécurité des personnes et de leurs biens », témoigne ce transporteur qui lance un appel à l’endroit du gouvernement.

Aidez-nous à endiguer ce phénomène

« Nous souffrons énormément, et nous lançons un appel à l’endroit du gouvernement afin qu’il aide les citoyens que nous sommes à endiguer ce phénomène de banditisme. C’est parce qu’on a peur qu’on ne porte pas d’armes et qu’on nous taxe d’être des bandits sinon, nous aussi on peut s’armer et essayer de nous défendre. Mais si nous, par peur, ne disposons pas d’armes et que ceux qui ont le droit d’en posséder pour assurer la sécurité des citoyens ne le font pas, je ne vois pas la raison pour laquelle ils sont dans l’armée. Parce que c’est leur devoir d’assurer la sécurité des citoyens et non réclamer des sous à ces personnes-là.  C’est pourquoi nous demandons à l’Etat de nous aider sinon il y arrivera un moment où on aura plus des transporteurs dans notre pays » prédit Aguibou Bah.

La soixantaine, Mamadou Yacine roule également sur le tronçon Conakry-Labé. Depuis qu’il a embrassé cette profession, il n’a été victime d’attaque des coupeurs de route qu’une seule fois. Il témoigne que ses bourreaux l’ont brutalisé avec ses passagers avant de leur retirer tous leurs biens matériels.

« Ça fait des années que je roule sur cette route, mais je n’ai été victime d’attaque des coupeurs de route qu’une seule fois. C’était aux environs de 4h du matin, je suis arrivé à Foulaya. J’ai trouvé un monsieur au bord de la route avec sa moto. Je l’ai dépassé, il m’a poursuivi. Arrivée au niveau d’un ralentisseur, j’ai freiné. Entretemps, j’ai aperçu le motard avec un autre derrière lui. Ils ont garé leur engin devant moi et ont pointé leurs armes sur nous en m’intimant de m’arrêter. Je me suis exécuté, dès que j’ai fini de garer, un autre motard m’a doublé. Je lui ai dit de ne pas continuer sa course à cause des bandits, pensant que c’est un innocent, alors qu’ils opéraient ensemble.  C’est ainsi même que ce dernier m’a injurié en disant que si ce sont ses coéquipiers que je qualifie de bandits. Il est descendu de sa moto pour venir récupérer le volant de ma voiture. Il m’a amené avec mes passagers dans la brousse. Arrivés en plein brousse, avec ses amis qui nous suivaient de près, il a garé la voiture. Ils ont dépouillé mes clients de leurs biens et en les frappant. Comme moi je suis un peu vieux, ils ne m’ont pas trop violenté. Mais j’avais deux cartons remplis de téléphones qu’on m’avait confié, ils ont emporté tout » témoigne ce chauffeur âgé.

Tout comme son prédécesseur, l’homme au troisième âge invite le gouvernement à prendre ses responsabilités afin d’assurer la sécurité des citoyens. Car c’est de son devoir régalien. « Ce que je demande au gouvernement guinéen à cause de Dieu, c’est de tout faire pour mettre les moyens à la disposition des forces de l’ordre pour sécuriser les citoyens.  Ces agents aussi doivent faire des patrouilles nocturnes au lieu de rester au niveau des barrages pour racketter les chauffeurs. Ils doivent également contrôler de façon systématique ces motards et véhiculent personnels qui circulent sur cette route pour voir s’ils ne sont pas armés. Parce que le plus souvent ce sont eux qui attaquent les gens, retirent leurs biens en tuent d’autres » préconise Mamadou Yacine.

Ils disent que ce ne sont pas les papiers qu’ils mangent…

Certains chauffeurs qui se sont exprimés en off et ont plutôt mis l’accent sur le comportement peu orthodoxe de certains agents des services de sécurité qui, selon leurs témoignages, font des victimes financières sur la nationale Numéro un.

« Moi, ce n’est pas l’affaire des coupeurs de route qui me fait mal en tant que chauffeur. Mais c’est le comportement antirépublicain de la part de nos services de sécurité que je déplore. En cette période de covid-19, ils ont placé des barrages de contrôle à plusieurs niveaux. Mais les agents qui sont là-bas ne font que réclamer de l’argent aux chauffeurs et leurs passagers. A chaque barrage, entre Conakry-Mamou, même si tu as tous les papiers y compris le certificat du test au coronavirus, ils vont t’exiger de payer de l’argent. Ils disent qu’eux, ce ne sont pas les papiers qu’ils mangent. C’est vraiment compliqué tout ça » regrette maitre Amadou, chauffeur.

 Son ami Boubacar aussi abonde dans la même logique. Lui estime que la présence des agents sur les routes, a certes fait baisser un peu les attaques même s’il n’en a pas été victime, mais force est de regretter qu’ils sont en train d’outrepasser leur mission de contrôle. ” Ils ne font que demander de l’argent aux chauffeurs même si ceux-ci sont dans les normes », dénonce-t-il.  

Mariama Bailo Camara a été victime des coupeurs de route sur la nationale Numéro 1. Le véhicule à bord duquel, il effectuait le voyage a été attaqué alors qu’elle se rendait à Labé. Cette dame qui a échappé de justesse à la mort raconte.  

« Nous étions en provenance de Conakry et on se rendait à Labé. Nous avons traversé la ville de Kindia aux environs de 00h. Notre chauffeur a eu un problème de phare. On est resté là-bas jusqu’à 3h du matin. C’est en ce temps que des bandits armés sont venus nous trouver là-bas à moto. Ils étaient au nombre de trois. Ce qui nous a fait comprendre que ce sont des bandits, c’est lorsqu’ils ont tiré des rafales. Les hommes qui étaient avec nous ont pris la fuite pour aller se réfugier dans la brousse. Eux ils ont eu la vie sauve. Mais nous les femmes passagères, ils nous ont tous pris. Ils ont pris tous les biens qu’on avait sur nous, de même que notre chauffeur. C’est là où j’étais assise qu’un d’entre eux m’a tiré une balle au niveau du bras.  Quand ils ont vidé la voiture de tous les biens qu’ils pouvaient emporter, ils sont repartis » témoigne, Mariama Bailo Camara.

 Qu’en dit le ministère de la sécurité par rapport à ce phénomène ?

Les autorités n’ont pas de statisques fiables sur ce fléau qui pourrit la vie des usagers de la route en Guinée. Interpellé, un haut responsable de la police nationale a fait remarquer que cette question ne relève pas uniquement du département de la sécurité et de la protection civile. Parce que, dit-il, ces hors la loi opèrent en rase-campagne, qui n’est du domaine de compétence territorial de la police.

« Les coupeurs de route opèrent généralement en brousse, en rase-campagne, sur le transport inter urbain qui ne relève pas exclusivement de la compétence de la police nationale. Donc il est difficile pour nous de se déterminer. Normalement, c’est une commission inter ministérielle qui doit statuer sur la question et trouver des mesures palliatives par rapport à ça. Notamment le ministère de la sécurité et celui de la défense. Parce que je rappelle la police assure la sécurité dans la cité et la rase-campagne c’est pour la défense. Normalement, les infractions commises à ce niveau c’est les deux départements qui doivent se retrouver pour éradiquer cette situation », a expliqué notre source qui annonce la mise en place d’une commission inter ministérielle afin de trouver une solution face à ce problème.

Enquête réalisée par Siddy Koundara Diallo

Pour Africaguinee.com

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