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Présidentielle en Guinée : “J’ai vu des gendarmes tirer en direction de manifestants”

Capture d’écran de la première vidéo ci-dessous, tournée dans le quartier de Kobaya, dans la capitale guinéenne, mercredi 21 octobre.

De violents heurts entre forces de l’ordre et manifestants se sont produits à Conakry, la capitale de la Guinée, à la suite du premier tour de l’élection présidentielle qui s’est tenu dimanche 18 octobre et dont les résultats partiels sont contestés. Au moins neuf personnes sont ainsi décédées, selon les premiers bilans des autorités. Deux habitants – témoins des tirs des forces de l’ordre – témoignent de la tension qui règne dans la ville.

Dès lundi, le leader de l’opposition, Cellou Dalein Diallo (UFDG), a revendiqué la victoire, à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle, tout en dénonçant des fraudes. Après son annonce, les premiers heurts ont éclaté à Conakry.

Après un bref retour au calme mardi, de nouvelles violences ont éclaté mercredi, après l’annonce des premiers résultats provisoires et partiels, par la Commission électorale nationale indépendante, selon lesquels le président sortant Alpha Condé (RPG) serait en tête du premier tour. Des journalistes de l’AFP ont ainsi été témoins de barricades enflammées sur la chaussée, de jets de pierres de manifestants et de la riposte des forces de l’ordre à coups de frondes et de gaz lacrymogène. Selon un communiqué de la Sécurité civile, neuf morts ont été recensés – pour la plupart par balles – entre lundi et mercredi, dont un policier, lynché à mort à Bambéto (Conakry). Mais l’opposition estime qu’il y a plus d’une vingtaine de morts.

La rédaction des Observateurs de France 24 a échangé avec deux habitants de Conakry, qui ont tenu à garder l’anonymat pour des raisons de sécurité. Tous deux témoignent de la tension qui règne, dans l’attente des résultats définitifs du premier tour.

“J’ai entendu les gendarmes crier : ‘Si vous ne partez pas, nous allons vous tirer dessus'”

Kadiadou [le prénom a été modifié] habite dans le quartier de Kobaya.

Mercredi 21 octobre, vers 6 heures, j’ai été réveillée par des bruits de tirs. Vers 9 heures, j’ai commencé à filmer ce qu’il se passait dans la rue, depuis chez moi. Des gens érigeaient des barricades et lançaient des pierres : parmi eux, il y avait des enfants, des adolescents, des adultes, des personnes âgées… 

Il y avait aussi quelques gendarmes. Comme je suis juste au bord de la route, je les ai entendus crier : “Si vous ne partez pas, nous allons vous tirer dessus !” C’était sûrement pour leur faire peur. Cela dit, ils ont quand même tiré dans leur direction, alors qu’ils auraient pu se contenter de tirer en l’air, s’ils voulaient seulement les effrayer. Heureusement, il n’y a pas eu de blessés ou de morts dans mon quartier, à ma connaissance.

Les gendarmes ont également utilisé des lance-pierres et du gaz lacrymogène, pour viser les manifestants. Cela a duré toute la journée, puis les manifestants et les gendarmes sont partis vers 19 heures, quand il a commencé à pleuvoir”.

Trois vidéos tournées le 21 octobre, dans le quartier de Kobaya, à Conakry, par Kadiadou[le prénom a été modifié]. Dans la première, on voit un gendarme avec un casque tirer à plusieurs reprises, avec un fusil d’assaut AK 47 Kalachnikov, ainsi qu’un autre gendarme. Dans la deuxième, on voit un gendarme cagoulé, avec le même type de fusil, mais on ne le voit pas tirer. Enfin, dans la troisième, un gendarme cagoulé utilise un lance-pierre.

“Jeudi 22 octobre, cela a recommencé vers 7 heures : il y a eu des manifestants, des tirs des forces de l’ordre, du gaz lacrymogène… Puis ça s’est calmé vers 15 heures”.

Deux vidéos tournées le 22 octobre, dans le quartier de Kobaya, à Conakry, par Kadiadou [le prénom a été modifié]. Dans la première, des manifestants sont visibles dans la rue. Dans la deuxième, on voit des hommes en uniforme – a priori des militaires – avec des fusils d’assaut et un lance-grenade, que l’un d’eux utilise pour tirer.

“Des policiers avaient, eux aussi, érigé une barricade”Ousmane [le prénom a été modifié] habite dans le quartier Cosa.

“Mercredi 21 octobre, j’ai tourné plusieurs vidéos depuis mon immeuble. Dans l’une d’elles, on voit un policier – qui s’était détaché de ses collègues – qui tire, en direction d’un groupe de jeunes manifestants. Ces derniers avaient érigé des barricades sur la route principale, avant de se retrancher. Ils avaient également insulté et jeté des cailloux en direction des forces de l’ordre. Les policiers sont restés environ une demi-heure sur place, avant de se replier sur la grande route”.

Vidéo tournée le 21 octobre, dans le quartier de Cosa, à Conakry, par Ousmane[le prénom a été modifié], dans laquelle on voit un policier tirer, avec une arme de poing.

“Ces policiers ont également dérobé des objets appartenant aux riverains – pendant que ces derniers restaient cloîtrés dans leurs maisons – avec lesquels ils ont érigé une barricade. Dans l’une de mes vidéos, on voit ainsi un policier au niveau de cette barricade, avec un bout de chaise rose cassée, puis on voit l’un de ses collègues arriver et jeter un bidon dans les flammes”.

Vidéo tournée le 21 octobre, dans le quartier de Cosa, à Conakry, par Ousmane [le prénom a été modifié]. Selon lui, cette barricade a été érigée par les forces de l’ordre.

“Notre dispositif de maintien de l’ordre interdit l’utilisation d’armes à feu”

La rédaction des Observateurs de France 24 a envoyé les vidéos publiées dans cet article au ministre de la Sécurité publique, Albert Damantang Camara.

Il a indiqué que leur “dispositif de maintien de l’ordre interdi[sait] l’utilisation d’armes à feu”, expliquant que le policier ayant été lynché n’était justement pas armé : “Si on retrouve un agent en train de tirer, il le fait en dehors des instructions qui lui ont été données et du dispositif qui a été mis en place.” Il s’est d’ailleurs dit étonné de voir certains agents “isolés” dans les vidéos, “quand on connaît l’adversité et la détermination des gens qui habitent cette zone”. Il a indiqué que ces images allaient donc être “utilisées par [les] services de la police judiciaire dans le cadre des enquêtes qui sont ouvertes”.

Albert Damantang Camara nous a également transmis une vidéo montrant, selon lui, un civil armé, que nous n’avons pas pu authentifier pour l’instant.

Il n’a toutefois pas répondu à nos questions concernant le nombre de personnes blessées et tuées depuis le début de la semaine, à Conakry et dans le reste du pays.

Le premier tour de l’élection s’est déroulé après plusieurs mois de contestation contre un troisième mandat du président Alpha Condé, durement réprimée. Des dizaines de civils ont ainsi été tués. Le nombre de mandats présidentiels est limité à deux, mais pour Alpha Condé, la nouvelle Constitution – adoptée en mars – remet le compteur à zéro, ce que conteste l’opposition.

Vendredi 23 octobre en fin de journée, les résultats définitifs du premier tour n’avaient toujours pas été officiellement annoncés.

Article écrit par Chloé Lauvergnier/ Les Observateurs France 24.com

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